Le bonus lié aux résultats modifié dans une mesure limitée

Le 22 février 2022, le Conseil National du Travail a formulé un avis par rapport à la CCT n° 90 relative au système des avantages non-récurrents liés au résultat, qu’on appelle également le bonus lié aux résultats. Le même jour, une CCT modificative n° 90/4 a été conclue, qui a apporté certains changements limités au système de bonus lié aux résultats. 

Le système des avantages non-récurrents liés aux résultats est à l’heure actuelle implémenté dans de nombreuses entreprises. La possibilité d'accorder un bonus exonéré d’impôts à la condition que certains résultats collectifs soient réalisés par une ou plusieurs entreprises ou par un groupe de travailleurs a été introduite en 2007 par une convention collective de travail adoptée par le Conseil national du travail (CNT), à savoir la CCT n° 90. Cette CCT a été modifiée à plusieurs reprises depuis lors et, en dernier lieu, le 22 février 2022. Bien que le CNT ait formulé plus tôt dans la journée un avis qui aurait pu avoir un impact considérable sur l’application actuelle de la CCT n° 90, les modifications apportées par la CCT n° 90/4 sont restées limitées.

Le bonus lié aux résultats : de quoi s’agit-il ?

L'employeur peut accorder un bonus lié aux résultats à tous les travailleurs de l'entreprise ou à un groupe spécifique de travailleurs, à condition que certains objectifs collectifs incertains soient réalisés dans une période de référence déterminée de minimum trois mois. La CCT n° 90 exige que ces objectifs collectifs soient « balisables, transparents, définissables, mesurables et vérifiables ». Si les objectifs en question sont réalisés avec succès, l'employeur peut verser un bonus lié aux résultats, conformément aux autres accords du plan bonus. Dans la mesure où le bonus lié aux résultats ne dépasse pas un certain montant brut maximal (pour 2022, ce montant s’élève à 3.558 EUR bruts), une cotisation spéciale de sécurité sociale à charge de l'employeur, égale à 33 %, et une cotisation spéciale de sécurité sociale à charge du travailleur, égale à 13,07 %, seront dues sur ce bonus. A l’égard du fisc, le bonus lié aux résultats est exonéré d'impôts, ce qui signifie que le travailleur reçoit « dans sa poche » un montant net favorable.

Quelle est la pratique de ces dernières années ?

Depuis la création du système de bonus lié aux résultats, les entreprises ont élaboré une variété d'objectifs adaptés aux besoins spécifiques de l'entreprise. Depuis 2019, le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale (SPF Emploi) a adopté une position plus stricte sur le type d'objectifs considérés comme appropriés dans le cadre de la CCT n° 90. Concrètement, le SPF Emploi tend à ne plus accepter comme objectif les « tâches quotidiennes », telles que le respect des délais, la rédaction de rapports corrects, le maintien de la propreté de l'espace de travail, etc. Le SPF Emploi estime que le simple fait d’effectuer correctement le travail et de se conformer aux instructions de l'employeur est rémunéré par le salaire « ordinaire » du travailleur. Selon le SPF Emploi, la CCT n° 90 vise donc à récompenser un accomplissement « supplémentaire » par rapport aux tâches de travail normales. Dans la pratique, seuls les objectifs suivants ont dès lors été acceptés ces dernières années : les objectifs économiques, les objectifs de réduction des coûts ou visant à réaliser un certain niveau de satisfaction des clients, et enfin, les objectifs visant à réduire l’absentéisme ou les accidents de travail.

Modifications récentes

En avril 2021, la Cour des comptes a publié un rapport qui comportait une analyse du système de la CCT n° 90, ainsi qu’un certain nombre de recommandations adressées au législateur, au SPF Emploi, au SPF Finances, à l'ONSS et au CNT. L'une des recommandations concernait l’adaptation de la CCT n° 90 en vue d’accélérer la procédure, et d’encourager sa digitalisation. À cette occasion, le SPF Emploi a fourni des informations au CNT quant à sa pratique administrative par rapport aux objectifs fixés, et a indiqué à titre exemplatif ceux qu’il n’estimait pas conformes à la CCT n° 90. C'est dans ce contexte que le CNT a émis son avis.

Dans son avis du 22 février 2022, le CNT souligne tout d’abord que la CCT n° 90 est perçue comme un « bon » instrument, tant par les entreprises que par les travailleurs. Le CNT est dès lors d’avis qu’il n’y a pas lieu d’adapter le contenu de la CCT n° 90, à l’exception de certaines modifications d’ordre légistique. Par exemple, le CNT estime que l’obligation de transmettre au SPF Emploi le registre des observations pourrait être supprimée lorsque celui-ci n’en contient pas, ce qui constituerait une simplification administrative.

Ensuite, le CNT précise le type d'objectifs qu'il considère comme appropriés dans le cadre de la CCT n° 90. À cet égard, le CNT rappelle que la CCT n° 90 a pour objectif d’augmenter la motivation et l’implication des travailleurs en les associant à la réalisation d’objectifs collectifs. Le CNT réaffirme ainsi que les objectifs collectifs peuvent être fixés en fonction des besoins et spécificités de chaque entreprise et que les objectifs ne doivent pas nécessairement être de nature économique ou financière.

Dans son avis, le CNT dresse également une liste d'objectifs qui sont, selon lui, conformes à la CCT n° 90. Soulignons que cette liste comprend plusieurs objectifs que le SPF Emploi n’accepte plus depuis 2019 (par exemple, suivre des formations, introduire de nouvelles méthodes de travail, organiser des événements, agir dans le domaine de la digitalisation, etc.).

En ce qui concerne en particulier les objectifs liés au bien-être et à la mobilité, le CNT propose une modification concrète de la CCT n° 90. Le CNT estime notamment qu’il ne suffit pas que l’employeur déclare sur l’honneur que l’entreprise dispose d’un plan de prévention. Le CNT suggère que le plan global de prévention et le plan d'action annuel en cours doivent également être joints au plan de bonus. De même, le CNT estime que les objectifs liés à la mobilité doivent s’inscrire dans la vision globale et plus large des plans de déplacements de l’entreprise, et qu’ils ne doivent être admis que lorsque des indemnités vélo sont octroyées aux travailleurs effectuant leurs déplacements domicile – lieu de travail avec ce moyen de transport. Ces éléments ont été effectivement introduits par la CCT modificative n° 90/4 du 22 février 2022. Les modèles de formulaires (acte d'adhésion / CCT d'entreprise) ont également été adaptés, compte tenu de ces nouvelles obligations.

La question se pose alors de savoir si la longue liste d'objectifs proposés par le CNT dans son avis (dont beaucoup n’étaient plus acceptés par le SPF Emploi ces dernières années) pourra à nouveau être appliquée. De nombreuses entreprises se réjouiraient en effet de cette évolution, l'attitude stricte du SPF Emploi ayant été perçue comme un obstacle à l'originalité et à la créativité dans le développement d'objectifs visant réellement à motiver les travailleurs dans l'exécution de leur travail. Cependant, la CCT modificative n° 90/4 ne précise rien concernant cette liste d'objectifs appropriés. Malheureusement, l’absence de modification sur ce point sert désormais le SPF Emploi : celui-ci déclare qu'il ne changera pas les points de vue (stricts) qu'il a adoptés ces dernières années sur l'acceptation ou non des objectifs fixés dans les plans d'entreprise …

Points d'attention

Concrètement, il convient donc désormais de tenir compte d'un nombre - limité - de nouveautés lors de l'élaboration d'un plan de bonus en application de la CCT n° 90. Tout d'abord, les nouveaux modèles de formulaires devront être utilisés : avant de rédiger la CCT ou l'acte d'adhésion, l'employeur pourra télécharger les nouveaux modèles de formulaires sur le site du SPF Emploi. A cet égard, il conviendra de tenir compte des exigences supplémentaires dans le cadre l'application des objectifs liés au bien-être et à la mobilité. En outre, lors de l'élaboration des objectifs appropriés, il conviendra encore de garder à l’esprit la vision du SPF Emploi, la proposition d'objectifs économiques ambitieux (chiffre d'affaires, bénéfice, etc.) restant le choix le plus « sûr ». À l’heure de la rédaction de cette publication, la loi disposant qu’en l’absence d’observations, le registre des observations doit être soumis à la direction externe du Contrôle des Lois sociales territorialement compétente, n'a pas encore été modifiée. On peut néanmoins s’attendre à ce à ce que la disposition en question soit abrogée dans un avenir (proche).

Mieke Deconinck
Avocate – Senior Associate, Claeys & Engels

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